Entre Soi et l’Autre:l’Empathie

                                  par Michel Brouta

« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. »

                                          Pantagruel  Rabelais

 La question de l’entre est  centrale dans notre compréhension du monde

Elle pose la nomination, désignation, distinction d’éléments d’une réalité. Mission consubstantielle au langage, de notre façon de faire monde au sens de Philippe Descola.

Cela passe pour nous  par notre corps, un corps parmi d’autres.

1) L’abord d’un neurophysiologiste  Naccache Lionel

 Une parcellisation dans ce monde, Naccache l’aborde  Sous l’angle de la  question du discret et du continu.

La perception du monde par le cerveau est une perception discontinue,  échantillons discrets. Le continu envisagé est celui d’une fiction de notre cerveau.

 Si bien que ce monde fragmenté est aussi perçu selon un processus de fragmentation

2) L’abord par un philosophe :Francois Jullien

 L’entre est produit par l’ouverture de l’écart, et c’est la condition de produire de l’autre. : par extension ;Individuation progressive

 L’entre n’est pas,  n’a pas d’ontologie.

3) En psychologie, l’entre  pose la question de la relation :

        -soit depuis un objet vers un autre objet, et vice versa, ceci depuis Aristote, objet distincts nommés.

       – soit  par la relation de co-présence qui donne forme à la relation, la relation est tiers.

4) En Psychanalyse :

Il y a une  activation de l’entre, entre l ‘analyste et  l ‘analysant dans le transfert pendant la séance, et aussi par l’entre des séances .

5) Par analogie la question de la physique quantique :

 Il se retrouve la dichotomie onde particule : ou la particule n’est localisée que par décohérence.

A)   Introduction

La notion d’empathie  n’arrive dans notre champ de conscience que lorsqu’elle est nommée.(individualisée,)

Elle se déploie dans nos relations avec l’entourage bien avant comme nous le verrons.

 L’expérience de mon abord passe par une situation de médecin responsable d’une institution  s’adressant à des enfants  en situation de polyhandicap.  La relation de soins confrontée à une difficulté de langage va dans différentes situations et plus particulièrement lorsqu’elles sont douloureuses nécessiter de trouver un terrain d’échange  pour améliorer la qualité de vie.

 C’est ainsi que la prise de contact de la médecine avec la douleur est incontournable.

 Pourtant si dans l’histoire, le vin, le pavot  sont des remèdes  connus de longue date, (dans Homère Hélène donne du vin  à Télémaque pour atténuer les douleurs de ses blessures). La morphine ne sera découverte qu’en  1817 par  F.W.A. Sertürrner .

 C’est que la douleur a longtemps été considérée  comme nécessaire; ainsi est –il écrit dans la bible : «  tu enfanteras dans la douleur», comme témoignage de la condition humaine. Au XXé siècle  Graham Green  opposera  « Les saints parlent de la beauté de la souffrance, nous ne sommes pas des saints. » 

Il faudra attendre une revendication des patients, pour obtenir une loi votée en 2002 afin de faire de sa prise en charge un droit fondamental  dans l’administration  de soins . Cette loi  fera  que les conditions de prescription des antalgiques serontt  allégées. A noter que depuis la médecine insiste moins sur les effets secondaires auparavant considérés comme rédhibitoires.

Actuellement un des guides de prescription est l’observation du visage, en complément des verbalisations du patient.

 Comme on le voit ici le verbal ne paraît pas avoir été considéré comme assez fiable dans l’échange pour faire passer le contenu de l’intensité. De plus la parole n’est pas toujours présente ou comprise : enfants, étrangers, ou absence de langage verbal.

 Cette observation du  visage, occupe une place fondamentale  dans notre relation à l’autre humain,  ce qui a été bien souligné par  Emmanuel Lévinas :

« Le visage c’est l’expressif d’autrui, qui me renvoie à ma responsabilité totale: je dois répondre de tous les autres. » 

Notre attention est attirée sur le fait que la subjectivité est investie d’une responsabilité totale, elle soutient le monde au point de faire d’elle l’otage d’autrui.

Voyons donc notre position, notre responsabilité ?notre engagement  dans cette situation

 L’actuel des procédures de  la pratique médicale  en situation :

B) L’échelle de cotation

  L’empathie versus codage

Nous verrons que les deux types d’empathie :

  • empathie automatique,
  • -l’empathie cognitive 

 sont indissociables chez le soignant aussi.

C’est par l’empathie cognitive que nous abordons une certaine pratique médicale

Regardons la plaquette :

Le patient est ici renvoyé à lui-même.

 L’accompagnant est ici repositionné en technicien neutre appliquant les échelles de quantification.

Le fait de proposer l’évaluation peut relever à un certain niveau d’une empathie perçue par le soignant, même si  là encore le protocole vient servir de référence.

 L’attitude est perçue différemment par les deux individualités  selon que l’on se situe dans un registre : l’empathie, ou dans l’autre : l’application de la procédure.

Voyons maintenant les circuits de l’empathie que nous venons de cibler :

C)  L’empathie passe par les neurones repérables : les neurones miroirs 

1996 Giaccomo Rizzolati :  repère  des cellules corticales  qui s’activent lorsque le singe se nourrit , les mêmes s’activent  lorsqu’il voit un autre singe se nourrir

Pierre Francisco Ferrari : les neurones réagissent également à la vision des mouvements du visage.

L’électro physiologie confirme ces localisations  d’activation de ces neurones spatio- visuels  qui jouent un rôle dans les inter actions sociales couplant perceptions et actions.

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Les expériences suggèrent que ces observations sont aussi valables pour l’expression du visage lors de douleur ( relais thalamus), elles le sont aussi  pour le dégout , la peur, la surprise, la joie,

Il faut bien comprendre que l’expression de l’émotion joue le rôle de stimulant  perceptif de réponse  en lieu et place du stimulus originaire. Stimulation et réponse sont liées, mais aussi  dans l’autre sens réponse et stimulation. L’un présuppose l’autre.

Remarquons enfin que ce système de rapports sensoriels fonctionne à un degré certain dans l’apprentissage ; l’importance de regarder l’autre faire pour apprendre surtout lorsqu’il s’agit de gestes manifestes.

  L’empathie  qui nous intéresse ici est maintenant définie :Le chemin d’ une émotion qui prend sa source chez autrui : un congénère  lorsque celui ci est ému ici le témoignage d’une  manifestation de  douleur. Notons que la définition pour le moment se restreint à la relation inter humaine dans le registre de l’émotion (par le ressenti, le perçu lui est interne)

L’étymologie du mot français ; en,  qui signifie dedans et pathos qui signifie souffrance affection.

Ce que nous ouvre l’empathie,  c’est la nécessité d’un deux distincts avec une émotion  qui passe de l’un à l’autre ou qui se déploie chez chacun ?

 La douleur a été notre repère, mais nous l’avons vu les autres expressions émotionnelles fonctionnent aussi , de même  les activités qui  sont au delà de l’émotionnel  (le singe qui mange)

Elle s’inscrit donc dans un niveau de relation au monde (en situation) qui est le niveau sensible au fondement de la subjectivité humaine.

D) l’empathie et Le circuit des émotions

On retrouve ici les deux niveaux :

Le circuit des émotions  est aussi celui de l’empathie. La  voie d’entrée passe ici par des ensembles cellulaires corticaux  localisés.

La voie lente

 il faudra attendre que les modules activés  déclenchent une généralisation pour atteindre la conscience  avec la possibilités d’une verbalisation : empathie secondaire, cognitive.

L’empathie est là pour préfigurer ou initier une réponse,  une réponse  de sauvegarde de l’organisme  à un signe de danger. (Elle ne se réduit pas à la réception passive.)

Pour autant cette réponse s’organisera dans son déroulement  avec d’autres informations :, par exemple si  une douleur apparaît déjà dans l’organisme ,  ou si  l’organisme  n’a pas d’autres informations de douleur interne..

Remarquons que souffrir en même temps ou être menacé ensemble peut être une circonstance cause puissante  de rapprochement inter individuel.

La même chose se produit pour d’autres vivants en ce qui concerne l’ensemble des réponses émotionnelles vis à vis d’un danger ,elle permet de comprendre la façon de réagir d’un troupeau .

Il devient possible de situer une phylogénèse du l’entre :

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E) Phylogenèse  de l’entre

Selon les ordres du réel il est possible d’envisager l’entre

         Entre les objets matières : forces  (gravitation) et rayonnement( électro magnétiques. (Alpha gamma etc)

         Entre les végétaux : s’ajoute chimie et quelque mouvements

         Entre les animaux : s’ajoute la cinétique du mouvement 

         Entre les humains : s’ajoute le langage.

Remarquons l’entre est potentiellement dynamique, il y a une circulation

1)  L’entre et  la vie

La vie a un dynamisme de perpétuation et d’accroissement, mécanisme qui passe par les individus au profit d’un développement  de l’espèce, du vivant lui même.

 Si la reproduction est l’un des aspects, l’auto conservation, l’auto défense,  des individualités vivantes en sont un aspect autre.

  2) La complexification des êtres et des relations

         Si les éléments non vivants interagissent et se transforment  selon les lois de la physique, très vite interviennent les lois de la chimie.

         Les éléments du vivant font intervenir d’autres contingences, autres chaines de causalités par le développement, la superposition des systèmes organiques.

       a) Celui  des transformations énergétiques. autour d ‘un grand axe : mobilité, /en vis à vis d’une réceptivité, avec diversification des deux cotés :

                          – Pour la réceptivité seront recrutés :

                                                la pression ,les agents chimiques ,les ondes électro magnétiques , la lumière , l’acoustiques , tout cela selon les voies de développement de la relation de l’individu à son entourage .

                           -Pour la motricité : un éventail de plus en plus complexe d’actions : ramper, courir, voler, vocaliser, parler.

        -b) Celui qui met en  place les codages du  médium de communication inter individuelle dans chaque espèce et inter espèces, voire vers l’objet. , Une nouvelle étape est franchie par le passage  de l’analogique au digital.

Comme on le voit un système de relation  médiatisé, organisé, fonctionnel qui amène des réponses actives dans différents domaines  pour la perpétuation de la vie.

     -la stratification des niveaux de relation

A mesure que les individualités se complexifient  leurs rapports s’enrichissent et s’étoffent .Il  gardent un panel des niveaux inférieurs dans une intégration.

 Les arbres  communiquent, et inter agissent  avec les autres végétaux, Ils cachent  la lumière à d’autres plantes, ils échangent des substances chimiques avec les champignons. Champignons  qui à leur tour apportent les substances nécessaires pour le développement d’autres plantes  ex les orchidées. Quant à elles  par leurs couleurs, leurs formes, leurs sécrétions,  elles attirent les insectes pour leur cycle de reproduction. Ou bien encore les arbres lorsqu’ils sont attaqués par un insecte ou un autre végétal secrètent des substances chimiques de défense qui détectées par leurs congénères les amènent à produire préventivement la même substance.

A tout cela les animaux ajoutent tout ce que peut permettre une mobilité complexe qui va de la fuite, aux posture , aux cris autant de faits qui code la relation.

Ainsi l’homme par l’odorat garde un rapport  chimique au monde et à l’autre   Il est à noter que l’odorat concerne directement des cellules du cerveau.

 Il peut prendre en compte aussi bien La chaleur, la pression (tact, température, douleur ont leur système de réception)

 Pour enfin mentionner La lumière (intensité, couleur, configuration) les ondes acoustiques (intensité, timbre, configuration) tout cela organise un système donné de réception.

Avec de plus des systèmes de codages  qui se diversifient, se complexifient.

Ces ensembles font  que les individus font varier les distances de l’entre. De la fuite à l’attraction, du contact à la pénétration. Tout cela dans une préservation de la vie même  au delà des individus.

3) Le saut de codification des médiateurs  chez l’humain

Comme on peut maintenant le situer le développement de la complexification s’est poursuivi en parallèle avec le développement  biologique . L’apparition de nouvelles structures nerveuses en est l’indice (développement du cortex)

Dans ce contexte d’un développement de ces structures corticales est apparu  un saut caractérisé par l’accès à un nouveau système de communication, le système symbolique dont les performances lui font prendre le pas bien souvent sur les autres systèmes qui jusque là étaient les seuls actifs dans cette communication continue pour la  préservation.

 Avec la nouveauté semble t il, que ce système s’enrichirait de potentialités  autres en intégrant la rupture à son fondement, ce qui en fait son originalité.

 Ces potentialités que l’on pourrait dire adverses, c’est à dire en contre sens d’un continu de la  dynamique vitale, permettent en retour d’en approcher la dispersion.

 4)  La question de l’empathie et de la psychanalyse

Comme nous l’avons vu en étudiant les voies neurologiques de l’empathie, si le système sous cortical a son efficacité primaire, le passage par les systèmes du cortex va  affiner les réponses , pour ensuite être en mesure de superviser la réponse ,de l’inhiber ou de la moduler en fonction de nouvelles données, pour en faire par exemple une empathie secondaire intégrant les développements du rapport social puis du langage.

Au passage si nous reprenons Naccache Lionel, la conscience fait appel à un espace neuronal global non modulaire (différent des espaces modulaires), la présence des cellules afférentes au langage est requise et seul un énoncé apparaît formulé, un mot puis un autre.

 Pour la psychanalyse, sa particularité est justement de se situer dans le champ du langage, et même de s’y cantonner le plus possible. Qui plus est, dans le champ du langage généré par  l’individu dans des conditions où les rapports directs sont le plus restreints possible, et pourtant sans tout à fait disparaître, comme si un minimum était nécessaire.

Ce minimum  représente  un flux de sensations à effet émotionnel (mouvement).

 Ce que confirme les travaux de Damasio Georges, sans émotions (rapport sensible  émotionnel) le déroulement de la pensée , même logique est affecté .Ce qui montre que l’auto observation ou même l’écriture spontanée n’a pas la trajectoire de cheminement que permet l’analyse.

Une  mise en situation (contexte)  va placer la parole en position privilégiée.  Il convient qu’il n’y ai justement pas de face à face, justement ce qui est propice à l’empathie, bien  que les deux soient là pour percevoir l’entre où se place la parole (tierceïte dira Andre Grenn) Cet entre favorise sa production. Si bien que cette parole va aller en quête d’un autre selon des modalités qui tiendront d’autant plus compte du locuteur que l’interlocuteur sera peu perçu. (L’analyse n’est pas une discussion)

Que ces formulations buttent dans leur flot, ou qu’elles dessinent le contour d’un interlocuteur à qui elle s’adresse, ce qui s’appelle le transfert, l’analyste s’y prête, le porte jusqu’à ce qu’il lui soit possible d’en  repérer, voir d’en formuler les contours,.

 Ainsi projetées  les configurations dont est porteur l’analysant pourront se repérer dans leur rôle occupé dans la mise en relation. Plus particulièrement dans l’abord d’une relation, configurations parfois figées faisant obstacle au déploiement d’une nouveauté.

 Identifiée la configuration pourra être remise dans son contexte d’apparition pour sa réévaluation. Une nouvelle séquence s’ouvre alors.

On le voit la place de l’empathie secondaire est réduite, certes l’analyste se veut souvent thérapeute, ce qui entrave parfois la réussite de l’entreprise s’il a cette configuration en paravent. A l’inverse si l’analyste apparaît insensible la situation est  également compromise.

Ce qui n’empêche pas l’empathie primaire d’avoir sa place : la présence est un ressenti. : Présence attentive endormie hostile, autant de dimensions qui interviennent, sans mettre de coté le parfum, la tonalité de la voix, ou encore la poignée de main. L’ensemble est parfois convoqué dans le cours des verbalisations de l’analysant comme  dans la constitution de l’interprétation. Lorsque l’interprétation advient, c’est le vécu de son énoncé qui active, un ressenti  intervient aussi chez l’analyste pour déclencher l’énoncé, l’analysant exprime parfois directement en retour le perçu:j’ouvre les yeux, ou le manifeste par la survenue de nouvelles associations de nouveaux rêves de nouveaux symptômes .

On le voit au passage le récit différé d’une analyse ne peut jamais tout à fait en rendre compte.

On Y voit la psychanalyse  comme une occasion  donnée au langage placé en position tierce dans l’espace du rapport  interhumain  de  façonner l’individuation des personnes en présence. Cette position du langage est celle de l’accès au symbolique. Il est bien entendu que cela se produit dans d’autres contextes moins préparés à ce travail.

Ce langage à la particularité d’être un signe arbitraire  dans un système de valeur par effet d’opposition. Il  introduit ce qui n’est pas là , et qui s’appelle maintenant de l’entre. Il a pour conséquence de nous faire percevoir différemment.

F) Aux origines de l’empathie ;  Empathie et Einfühlung

Nous allons maintenant revenir à l’origine du concept : Au fondement de notre abord : Il occupe  le champ circonscrit  de ce que les  circuits sensori- moteurs organisent à partir de la douleur.

– En second lieu le senti  des circuits sensori-moteurs  dans le champ de la coprésence inter humaine,  s’élargit à un ensemble de perceptions origine  des émotions les plus variées.

–  Enfin le senti  se retrouve  s’élargir encore  à  la co présence inter espèce, jusqu’à concerner l’ensemble  co présent des existants : notre entourage puisque nous avons toujours ce repère du corps.

C’est par le senti que le monde existe pour nous. (Donner corps)

L’observation chez les singes montrait qu’une forme  de communication relation existait  chez eux  et pouvait relever de l’empathie par l’observation biologique, mais des expériences ont montrés qu’elle existait aussi jusque dans les comportements extériorisés (partage de nourriture)

Si nous nous référons à notre expérience vécue, nous pourrions partager le fait qu’une forme d’empathie existe (Beata Claude) vis à vis de certains animaux, d’autant qu’ils nous sont proches biologiquement ex : mammifères  (le chien qui pleure) voir à un degré de plus pour bon nombre d’animaux.

Il ne fait pas de doute que chacun a en mémoire le ressenti d’un vécu émotionnel dans certaines situations environnementales  un coucher de soleil , une tempête , un paysage, etc  . Autant de situations qui a priori n’auraient rien de vraiment affectif dans la perception, compte tenu qu’il n’y  pas là  du vivant, sinon parfois une mobilité des éléments. Si ces situations peuvent susciter de la peur pour soi, des sensations de plaisir, elles peuvent aussi entrainer une sorte de jouissance du monde qui à la fois nous inclus dans le monde et nous fait prendre conscience de notre propre présence.

Ces situations de co-présence qui génèrent parfois une tonalité  émotionnelle distincte,  ont été englobées dans les débuts du concept de l’empathie par Théodor Lipps à un moment où elle n’était encore désignée que par le terme allemand de Heinfuhlung.

Pour rappel voyons la proximité des situations :

 Pour la première : Il est ressenti à partir d’un autre une émotion commune à partir duquel vous percevez que vous n’êtes pas l’autre. Comme lui, pas lui un écart.

 Deuxième situation : Même chose dans la perception du mouvement du  monde,  vous en êtes, et pourtant  un soi distinct est  perçu,  aithésis diraient les grecs, esthétique , esthétique  psychologique comme forme d’expérience du monde dira -t -on plus tard. Cette perception peut être à l’origine d’une jouissance

Dans l’art ce mouvement perçu du dedans amène parfois  à l’extérioriser par l’acte de création de l’artiste.

G) Empathie,  une esthétique psychologique au quotidien

Nanay Bence dira l’esthétique est une manière de percevoir le monde, pour cela une attention est requise qui prend du temps, temps d’une attention ciblée  pour l’objet, et le  temps d’une attention distribuée pour ses propriétés. Il donne l’exemple de l’automobiliste qui voit un piéton traverser, et  qui regarde entre autre  la couleur de son manteau . Il évite le piéton et passe à autre chose, il peut se souvenir du manteau ou de la silhouette qui le porte.

Ranciaire Jacques  montre dans « le partage du sensible »  que le politique est la distribution du temps dans la cité des hommes : en particulier celui du  temps de parole. Pour une parole  un espace de temps est nécessaire  entre  la succession des stimulus réponse. Une rapidité imposée occulte l’espace où peut se déployer une réponse autre que celle d’un reflexe programmé anatomiquement ou conditionnée, ciblée. C’est le cas du travail à la chaine

Stiegler Bernard va montrer comment de nos jours la société ne relève plus de la participation symbolique de chacun,  mais d’un conditionnement qui se substitue à l’expérience. Pour cela l’esthétique, cette zone de relations sensibles est fonctionnalisée. Par exemple, il est des films où votre système émotionnel est littéralement tétanisé pendant la vision, ce qui vous laisse épuisé à la sortie. Ce n’est pas pour rien  aussi que les publicités vous arrivent en salves.

Dans un autre domaine du quotidien, si le langage de paroles  entre humains  peut encore laisser place à  sa participation singulière, le développement du langage machine  particularise le singulier et de ce fait le nie, là encore l’expérience peut être vécue comme désagréable (le répondeur automatisé en est un exemple), Il  vous laisse en quête d’un interlocuteur à qui  enfin parler.

H) Conclusions

Ce que nous apprend ce concept d’empathie est que sa place s’inscrit dans l’entre vers un rapport dynamique de co construction ou chacun s’individualise.   Chez l’humain la science peut nous éclairer, elle peut le transformer, mais en aucun cas, elle ne peut  ni l’abolir, ni s’y substituer, puisque le sensible  en constitue un  socle.

Ce temps sensible propice  à la co construction  est le temps du déploiement d’une pensée, d’une parole, c’est le temps de la créativité, c’est le temps de l’expérience de vie. Il a sa place incontournable, surtout dans un métier comme le votre  où il est question de la vie dans un rapport inter humain.

Le titre de cette intervention a été choisi par Marine Cailleux et Valérie Duval pour une journée sur l’empathie au CHU Rouen.

les photos proviennent de la publication les défis de la science, éditions RBA Coleccionables le numéro concernant les Emotions.

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